Bertrand, Silvain et les autres… la filière du houblon grandit !
C’est l’histoire de copains, de frères et beau-frère, de potes, mais pas que. C’est aussi l’histoire de trentenaires qui croient en un avenir différent pour l’agriculture et la consommation. J’ai d’abord rencontré Bertrand, Sébastien et François à Malonne qui nous parlent de leurs ambitions pour le houblon wallon. Ensuite, direction Floreffe à la rencontre de Silvain et de son nouveau projet de houblonnière.
Houblon et Maltonne
Bertrand, Sébastien et François, frères et beau-frère développent depuis plusieurs années une micro-brasserie dans le garage des parents. Leur bière, ils la baptisent la Maltonne, en référence à leur échelonnage de taille, au malt entrant dans la composition de la bière et à Malonne, leur village.
Comme tout le monde, ils achètent leurs ingrédients chez les fournisseurs connus de tout le monde brassicole. Mais ils regrettent le manque d’origine contrôlée. Idée : « Pourquoi pas cultiver du Houblon sur le terrain des parents ? ». En 2015, ils mettent 6 plants. En 2016, 80. La récolte est bonne. Ils vendent leur première production à la Brasserie du Clocher, pour une cuvée spéciale de la Philomène. Forts de ce succès, ils replantent 350 plants. Ils se professionnalisent aussi. Ils apprennent les différents métiers de la culture du houblon. Construisent leur matériel pour la récolte et le séchage. Consacrent énormément de temps, comme explique Bertrand Delvaux : « De mai à octobre, il faut être là tous les jours, après le boulot, pour s’occuper des plants. »
Une bière 100% locale
Rapidement, l’envie d’en faire une bière aux ingrédients 100% locaux se concrétise. Avec l’orge, malté à façon, d’une coopérative brassicole, le blé de la Ferme de Reumont et leur houblon, ils affinent leur recette. Ne disposant pas du matériel professionnel, ils vont brasser à Brogne (Saint-Gérard) et à la Binchoise. « Nous sommes des puristes, reconnaît Bertrand, nous voulons des ingrédients 100% bio, dont nous connaissons la provenance. Notre houblon est en cours de labellisation, dans sa deuxième année. » La Maltonne Première était née. La Seconde a suivi, actuellement en rupture de stock, elle sera bientôt à nouveau disponible.
Stabiliser à petite échelle
Aujourd’hui, pour Bertrand, François et Sébastien, devenus entre temps jeunes parents, l’heure est à la stabilisation. Leurs 30 ares environ de culture de houblon leur permettent de produire 20 000 litres de Maltonne par an. En circuit super court. Un budget en équilibre mais pas bénéficiaire. Leur rêve, un jour ? Une culture d’un hectare et une micro-brasserie… mais ça, c’est pas pour tout de suite !
La Houblonnière de la Chistrée !
Pour Silvain et ses copains, l’histoire de la production de houblon s’écrit à une autre échelle. Eux ne produisent pas de bière… sauf pour leur propre consommation. Et peut-être à terme comme vitrine de leur houblonnière. Mais ils partent du même constat que Bertrand : vraiment difficile de trouver du houblon wallon. Leur houblonnière, jusqu’ici implantée à Jemeppe-sur-Sambre avec un maximum de 500 plants, va prendre de l’ampleur sur un terrain de Buzet (Floreffe), à quelques kilomètres de là, avec plus de 3300 plants sur un hectare et demi. Si tout va bien, cela donnerait 3 tonnes de houblon, de quoi produire 600 000 litres de bière fort houblonnée. « C’est une tout autre dynamique qui se construit ici, explique Silvain Bacalu, nous sommes à la limite du manuel. Passé une certaine superficie, il faut mécaniser. Ce sont de gros investissements, difficiles à mettre en œuvre et à rentabiliser. »
Une coopérative pour mutualiser les outils et les savoir-faire
L’ambition des jeunes houblonniers : cultiver leur houblon avec les bons outils, et les mettre à disposition d’autres producteurs.
Silvain, Gilles, Claire, Brieuc, Arthur et Maxime. Ils sont six dans la team, des profils complémentaires, ingénieur de gestion, bio-ingénieurs, bachelier en développement durable… « Nous voulons nous affranchir du bénévolat, même si l’aide des potes pour la récolte restera dans l’ADN du projet. Qui dit coopérative dit coopérateurs. Ils seront invités aux chantiers d’entretien, au partage de savoir-faire… et aux fêtes qui célèbrent les bons moments !
Pour cela, ils créent une coopérative. Et lancent un appel public à l’épargne en avril 2022. « Nous comptons beaucoup sur cet apport pour mener à bien nos projets. Nous sommes en train de construire une trieuse mobile, indispensable pour des houblonnières de grande superficie. A terme, nous espérons la louer aux autres producteurs de houblon. Ça nous permettra d’amortir les coûts de construction et d’entretien et ce sera précieux pour les autres. » Et le nombre de houblonnières ne cesse de croître : Lustin, Malonne, Mazy, Temploux, Vodelée… Mais pour attirer les grandes brasseries, il faut pouvoir produire le volume suffisant pour leur garantir une bière homogène.
Une agriculture résiliente et productive
La Houblonnière de la Chistrée sera labellisée bio. Elle est déjà très loin dans les pratiques d’agro-écologie, une évidence pour les jeunes producteurs. Complètement dans la philosophie du projet, soucieux d’une agriculture résiliente et productive. « On anticipe le changement, avant d’y être obligé, mais aussi parce qu’on y croit, explique Silvain. Bien sûr, pour certaines choses, comme le couvert végétal, on fonctionne par essais et erreurs, c’est assez compliqué à mettre en œuvre, mais on y arrivera. Ça vaut la peine, c’est bon pour les matières organiques, la biodiversité, la qualité du sol, ça fixe l’azote… Dans quelques années, le paysage de notre houblonnière sera ponctué de haies et d’arbres fruitiers. »
La filière du houblon wallon en progression
En 2015, quand Bertrand lance sa houblonnière, il est le quatrième, après Lagache (Comines), Cornette (Doische) et la houblonnière liégeoise. Aujourd’hui, on compte une vingtaine d’exploitations en Wallonie. « On constate une professionnalisation du secteur, c’est indéniable », confirment les deux potes.
Mais ils soulignent les freins importants qui subsistent : le prix des terres agricoles, les investissements importants dans du matériel spécifique, différent du matériel agricole habituel, et la complexité de la culture. C’est clair, la mutualisation des terres, des savoir-faire et des machines seront les bienvenus pour doper la filière…