Le houblon, c’est cette plante grimpante verdoyante (trop) méconnue qui donne à la bière toute sa spécificité depuis près de 800 ans. Comme la vigne, sa production est localisée dans les principales régions productrices de bières. Au plus près des consommateurs : dans le Grand-Est et les Hauts-de-France. En étant même plus précis, c’est principalement les départements du Nord et du Bas Rhin qui hébergent 90% de la production française. Problème : depuis 30 ans, la filière est régulièrement touchée par différentes crises. Et malgré un véritable regain d’intérêt national pour notre breuvage houblonné préféré, relancer la filière prend du temps, et demande un soutien fort.
Le houblon, c’est quoi en fait ?
De la famille des cannabinacées (on vous voit sourire les coquins, mais pas de THC ici), le houblon est une plante grimpante héliotropique qui se développe – là encore comme sa cousine la vigne – des débuts du printemps jusqu’à sa récolte aux premiers jours de septembre. Plantée sur un filin attaché à plusieurs mètres de haut (les plants les plus hauts montent jusque 10 mètres l’été), la plante se développe petit à petit en tournant autour de celui-ci. Elle peut pousser parfois jusqu’à 10cm par jour à son paroxysme.
Mais pourquoi donc met-on du houblon dans la bière ?
Au Moyen-Age, on fait de la bière pour plusieurs raisons. C’est nourrissant, car très riche en céréales (on est loin à l’époque de nos belles bières limpides d’aujourd’hui) et c’est buvable, au sens sanitaire du terme, car dans le process de fabrication, on chauffe l’eau jusqu’à ébullition, ce qui tue les bactéries. Le goût est assez acre et acide. On y ajoute alors un bouquet d’épices et d’aromates que l’on appelle le gruyt, somme toute assez semblable à nos bouquets garnis des recettes de nos mamies. Mais la bière risque tout de même d’être contaminée par des bactéries, elle est difficilement conservable dans le temps.
Merci Hildegarde
Vers le 12ème siècle, Hildegarde Van Bingen, une abbesse allemande, botaniste, va donc lancer des recherches sur la conservation de la bière. Elle découvre des propriétés incroyables de conservation grâce à la lupuline contenue à l’intérieur du cône. De cervoise à bière, le produit évoluera jusqu’au 15ème siècle. A ce moment, la guerre du houblon fait rage et Jean Sans Peur impose définitivement l’ingrédient dans la recette de la bière. Depuis lors, il est communément utilisé dans toutes les recettes, et est même devenu un élément central pour certains pays (comme en Allemagne connue pour son Reinheitsgebot ) ou dans certains styles, comme les IPA.
La filière en France en 2022
Dès lors, avec le retour en trombe des brasseries artisanales en France et en Europe depuis près de 10 ans, on est tenté de se dire que tout va bien pour les producteurs de houblon. Mais la réalité est parfois plus nuancée. La filière a subi deux situations qui ont très nettement affaibli la production du houblon en France.
La première est bien évidemment l’effondrement de la filière brassicole dans la seconde partie du XXème siècle, qui a vu la filière perdre de nombreux débouchés. Pas de production, pas de client, c’est aussi simple que cela.
La seconde crise a lieu en 2008. Les producteurs de houblon alsaciens font face à la chute des cours mondiaux et à une rupture de contrat avec Anheuser-Busch, le principal acheteur de houblon local et premier brasseur mondial, suite à son absorption par le numéro deux du secteur, le belgo-brésilien InBev. Le géant brassicole américain concentrait à lui seul 65% de la production de Strisselspalt, la variété alsacienne d’excellence. La filière houblon a dû rechercher de nouveaux clients, puis recentrer la gamme, planter de nouvelles variétés, et en arracher d’autres pour s’adapter au nouveau marché.
Au vu du temps et du coût nécessaires, les houblonniers ont été prudents quand il a fallu réinvestir. Et ce, malgré les déclarations d’intention des brasseurs français d’utiliser des houblons locaux.
Retour aux bières de terroir ?
Aujourd’hui, avec près de 2500 brasseries en France en 2022, on pourrait croire que tout est résolu. Mais les IPA et autres créations venues tout droit d’Amérique du Nord nécessitent des houblons particuliers, aux propriétés aromatiques très développées. Ces houblons proviennent de destinations bien plus lointaines que l’Alsace ou le Nord de la France, malheureusement.
A l’heure d’une mondialisation décriée, est-il encore possible de parler d’artisanat quand on s’approvisionne de l’autre côté de la planète ? Dès lors, on voit essaimer de nombreuses initiatives heureuses autour de bières de récoltes. Elles mettent en avant des collaborations entre brasseries et houblonnières ultra locales, et la (ré)apparition de bière de terroir. Terroir, un mot bien souvent invisible dans le monde brassicole. Un mot que le houblon exprime particulièrement tant les variétés se développent différemment selon les sols qui les accueillent.
Le bio fait lui aussi son chemin dans le monde des houblonniers. De nombreux acteurs choisissent désormais cette orientation. Nous vous en parlerons très vite dans un prochain article sur notre site.
Des initiatives originales pour soutenir la filière
La box-expérience Adopte un houblon
Avec L’Echappée Bière, vous pouvez devenir les parents adoptifs de pieds de houblon. Dans le Nord et en Alsace, vous pouvez découvrir plus amplement celui qu‘on appelle aussi l’or vert. L’idée ? Suivre l’évolution de votre plant de houblon, du semi au printemps jusqu’à la réalisation d’un brassin unique en octobre. Entre temps, vous partirez à la rencontre du producteur qui bichonne vos petits et qui vous accueillera en plein été au sein de sa houblonnière. Avec passion, il vous racontera (en mieux) toute l’histoire du houblon déroulée dans ces quelques lignes. L’occasion de déguster des bières en sa compagnie et à l’ombre des lianes.
L’expérience se poursuit ensuite avec la découverte du métier de brasseur lors d’une visite de la brasserie Moulins d’Ascq (dans le Nord) et de la Brasserie Saint-Pierre (en Alsace). Vous repartirez avec vos bières personnalisées, réalisées avec vos houblons. Et vous aurez plaisir à les partager avec votre entourage en lui expliquant tout ce que vous aurez appris.
Sauvons le houblon local : la guinguette 3 Monts by L’Echappée Bière
C’est avec le souhait de sensibiliser le grand public et de préserver ce patrimoine que la Brasserie 3 Monts plante symboliquement en 2019 une houblonnière d’un demi-hectare en face de son site de production. En certification bio et avec l’aide de la Coophounord, 2 variétés y sont cultivées : Magnum et Cascade. A l’été 2023, et à l’initiative conjointe de L’Echappée Bière – agence française de référence dans le tourisme et l’événementiel brassicole – et de la Brasserie 3 Monts une guinguette prendra place au cœur de la houblonnière de la brasserie. Un cadre enchanteur, dans le village de Saint-Sylvestre-Cappel, en Flandre intérieure. C’est au milieu des lianes que vous pourrez profiter d’une pause chill et conviviale avec vos amis, ou en famille. Une programmation événementielle rythmera les week-ends de cette guinguette éphémère.
Conclusion
Afin de retrouver des identités territoriales fortes, entre des bières produites dans le Nord, l’Alsace, la Bretagne ou encore en Rhône-Alpes, le houblon a un rôle prépondérant à jouer. En soutenant des bières locales de terroir, vous soutenez toute une filière houblon qui a bien besoin de se reconstruire et de réinvestir pour aider en retour les brasseries à se développer.
Un cercle vertueux, qui paraît d’ailleurs logique pour d’autres filières artisanales et gastronomiques. Imagine-t-on des vinifications de raisins argentins en France avec l’appellation vin de bourgogne ou un boulanger qui marquerait pain local sur sa baguette en pétrissant des blés chinois ? Ce cercle fera partie de la lente reconstruction du monde brassicole français.