Pour la seconde journée du périple alsacien, je recentre sur la capitale alsacienne et sa proche banlieue. Avant de m’attaquer aux brasseries d’alsace, je débute par une visite auprès d’une mignonne créature qui nécessite toutefois quelques précautions : ne pas nourrir après minuit et ne pas asperger d’eau.
C’est l’histoire d’un cuisinier, d’un geek et d’un pâtissier…
Car oui, c’est la Brasserie Mogwai qui m’accueille en ce début de matinée (avec un café, car nous sommes des gens raisonnables) pour la visite de leur brasserie située en périphérie de Strasbourg (Mundolsheim) et quelques échanges notamment sur leur grosse tournée des festivals brassicoles de l’automne. Notamment présents au festival Bière à Lille, la brasserie Mogwai s’est déplacée sur de nombreux événements bières afin de faire connaître et faire déguster sa large gamme ultra créative. Une créativité que l’on comprend mieux lorsque l’on découvre le parcours des trois associés de l’aventure. Aux commandes de Mogwai on retrouve en effet Sébastien, ancien informaticien reconverti conseiller culinaire et chef à domicile, Jean-Philippe, pâtissier de formation, ayant habité aux Etats-Unis et plus récemment à Munich, et enfin, Gaël, beergeek de la bande, brasseur passé notamment par la Brasserie Perle et co-organisateur du très bon Strasbourg Craft Beer Festival.
Un attelage plus qu’hétérogène donc, avec de multiples expériences, et des parcours singuliers, qui se ressentent dans les bières de la brasserie. Sour mangue/bergamote, Gose façon pizza ou encore Ale framboise/groseille/betterave, sont quelques exemples qui illustrent la folie créative du trio et leur souhait d’explorer de nombreux territoires gustatifs. Une philosophie qui n’est pas sans rappeler une autre brasserie alsacienne, celles des Intenables, autrefois située dans les actuels locaux occupés par Mogwaï… Certains parleront de coïncidence, d’autres de destin, mais dans tous les cas cette passation de locaux illustre parfaitement le dynamisme actuel des brasseries en Alsace. Ah, et dernier détail, le nom de la brasserie ne provient pas du film de Joe Dante, en tout cas pas directement, mais de la mythologie chinoise, où le Mogwai, est un genre de lutin doté de pouvoirs magiques.
Fermentation haute, infusion de plateau en chêne et safran
Ensuite, cap sur le sud de la métropole strasbourgeoise, et le village de Plobsheim, direction le Brassin des Frangins. Montée par…deux frères (ben oui), cette brasserie flambant neuve, ainsi que sa boutique sont aménagées et décorées avec soin, tout en pierre et en bois. Un choix de matériau finalement assez cohérent puisqu’Aldric, l’un des deux frères était auparavant menuisier. Maintenant à plein temps dans la brasserie, il est épaulé de façon ponctuelle – pour l’instant – par son frère Faustin, qui a, lui, suivi un cursus d’école de commerce, « mais il est sympa quand même » nous précise en rigolant Aldric.
L’objectif de la brasserie ? « Brasser des bières qu’on a déjà envie de boire nous-même ». Et on peut dire que le style des Frangins surprend au royaume de la lager, puisqu’il est là uniquement question de fermentation haute. Me voilà d’un coup beaucoup moins dépaysé. « Des bières d’inspiration nordistes » nous précise Aldric, mais également « inspirées de recettes familiales car on a repris les carnets de recettes de notre grand-père ». Une quête des origines amenée à son paroxysme, puisque le souci du détail a été poussé jusqu’à la recherche des souches de levures proches de celles utilisées à l’époque par leur aïeul.
Bon travail, bon produit
Le résultat ? Des bières naturelles, non filtrées et sans ajout de CO2. Appelées élixirs, toutes en finesse malgré le degré d’alcool, avec une typicité assez marquée, notamment pour leur gamme d’éphémères (dont une bière au safran superbement équilibrée). Les bières sont également aromatisées avec le fruit de leurs cueillettes , que ce soit les fleurs d’acacia, les épines d’épicéa… Une typicité qui s’explique en partie par les tours de passe-passe des deux frères qui essaient de traduire leurs idées et leurs goûts dans leurs recettes. C’est ainsi qu’ils se sont retrouvés à mettre un morceau du plateau de chêne ayant servi à réaliser le comptoir de l’accueil (en ayant pris soin de le brûler un peu avant, pour le « torréfier »). L’ensemble de leurs bières sont d’ailleurs brassées à partir de matières premières alsaciennes, les malts et les houblons
« On ne voulait pas de fût ayant déjà reçu un liquide, pour ne pas apporter les flaveurs de l’ancien contenu de la barrique, et la solution barrique neuve ou copeaux de bois ne nous donnait pas satisfaction parce qu’on voulait retrouver l’odeur du bois lorsqu’on le coupe et qu’il chauffe avec la lame de la scie ». Un cheminement très réfléchi et une mise en pratique parfois compliquée, mais rendue nécessaire par l’idée très précise du produit final souhaité. Une exigence récompensée, puisque la brasserie fait partie des membres du Collège Culinaire de France. Oui, rien que ça.
Des bières et des plats
Car c’est, en outre, une relation très particulière qui existe entre la brasserie et le monde culinaire, avec des bières envisagées dès le départ sur des notions d’accords mets/bières. D’ailleurs, spontanément, lorsqu’il nous a présenté sa gamme, Aldric a immédiatement associé ses bières avec des plats ou des goûts. Ce n’est donc pas une surprise si leurs bières se retrouvent maintenant sur des (bonnes) tables de la région. Il faut dire qu’en plus, les contenant sont très élégants et assez originaux, de quoi en faire un bel objet à mettre en avant sur une table gastronomique.
Prochaines étapes pour les deux frangins ? D’une part tenter l’expérience du fût, car la demande des bars sur ce format devient assez forte, mais en réfléchissant à des recettes dédiées, pour que la démarche soit pertinente, et d’autre part, ouvrir une terrasse devant la boutique, avant un biergarten sur l’arrière du bâtiment… Et oui, il est question de fermentation haute, mais on reste bel et bien en Alsace.
Une brasserie, maillon du tissu local
Pour la dernière étape de ce séjour alsacien, je repars dans Strasbourg et le quartier de Neudorf. Créée en 2013 par Benjamin Pastwa, la brasserie Bendorf est devenue emblématique de son quartier et malgré son développement continu, n’oublie pas son ancrage de proximité. Partenariats avec des artistes locaux pour la création des étiquettes, mise en place de bouteilles consignées, de growlers ou encore brassins réalisés pour des associations caritatives du coin ou pour l’anniversaire d’un label de musique voisin, la Brasserie Bendorf s’envisage clairement comme une actrice à part entière du tissu local.
A mon arrivée, c’est Soizic qui m’accueille et se charge de la visite guidée, et très vite, l’attachement de Bendorf à son quartier saute aux yeux. Au sens propre. Comme il est hors de question pour la brasserie de déménager malgré son développement, le moindre cm² est exploité et chaque opération s’apparente à une partie de tetris géante. Une problématique de place d’ailleurs accentuée par la présence d’une laveuse de bouteilles et donc…des bouteilles en question. Car Bendorf est aujourd’hui l’une des rares brasseries en France à avoir mis en place un système de bouteilles consignées. Un système encore très artisanal mais qui tient particulièrement à cœur de Benjamin et de toute son équipe. Soizic confirme : « c’est pas toujours évident à gérer, mais au moins c’est conforme à nos convictions ».
Une gamme large
Côté gamme, outre le best-seller Queen of Langstross (du nom d’une grande artère de Strasbourg), une IPA avec trois houblons américains, la brasserie offre une très large palette de bières permanentes et éphémères mensuelles. Qu’est ce que tu fais pour les vacances ? (NEIPA), Hipsterminator (India Pale Lager en collab avec les bourguignons d’Elixkir), Les abysses du Baggersee (Imperial Stout), des noms assez peu évocateurs « sauf pour Benjamin », me précise-t-on, mais avec des visuels uniques et travaillés, à l’image de cette brasserie urbaine et bien dans son temps.
Avant de partir, passage obligé par la boutique, histoire de remplir le coffre (déjà en forte tension avec toutes les visites précédentes…) avec quelques potions locales et notamment la superbe Orge & Raisin, goûtée lors du BAL. Une bière de fermentation mixte, assemblage de moût d’orge et de moût de raisin (Riesling), vieillie 10 mois en fûts avec macération de raisins (Gewurztraminer). Une bière trait d’union finalement assez emblématique de la cohabitation des savoir-faire brassicoles et viticoles alsaciens et des richesses qu’ils s’apportent mutuellement.
Infos pratiques et adresses
Mogwai Brewing Company
3 rue du Général Rapp – Mundolsheim
Page facebook / Site internet
Brasserie des Frangins
7 rue de la Mésange – Plobsheim
Page facebook / Site internet
Brasserie Bendorf
114 rue Jean Jaurès – Strasbourg
Page facebook / Site internet
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