C’est par une soirée très douce du mois d’octobre que nous nous lançons, avec Nicolas, à la (re)découverte de l’exceptionnelle ville d’Ypres. J’avais par le passé déjà eu la chance de la parcourir, mais sans malheureusement avoir assez de temps devant moi pour pouvoir m’y attarder. Le mot « chance » employé précédemment n’étant vraiment pas abusif, et vous allez rapidement comprendre pourquoi.
Une ville Flamande pur sucre
Notre arrivée dans cette cité Yproise de 35 000 âmes se fait sous une pluie fine. La nuit commence à tomber, les pavés mouillés reflétant la lumière des lampadaires du XIXe ajoutent du charme au spectacle. La Grand Place qui abrite l’imposante halle aux draps est spacieuse et particulièrement dotée en matière de cafés et restaurants. Il nous tarde d’aller découvrir tout ce potentiel de plus près, alors nous déposons rapidement nos bagages dans le superbe hôtel Albion qui est sûrement le meilleur rapport qualité prix de la ville. Très central, il est confortable et visuellement agréable.
Tout de suite, nous nous dirigeons vers le centre animé pour admirer les façades de style néo-renaissance flamande de la majestueuse « Grote Markt ». Le parking géant au centre de la place gâche un peu l’expérience mais fort heureusement, notre attention est davantage portée sur la beauté des façades. Un fronton attire notre attention, puis avec lui l’entièreté de la devanture. En effet, juste avant la Diksmuidestratt (rue de Dixmude), se dresse une bâtisse ornée de sept mascarons. Quelques instants nous suffisent pour comprendre qu’il s’agit de la représentation des sept péchés capitaux à travers sept visages.
Découverte de la vie à Ypres

Nous nous engouffrons dans la rue précédemment citée, puisque le restaurant De Fonderie situé au bout de la rue nous attend. A mi-chemin, nous découvrons que la bière a, ici aussi tenue son rôle. Une brasserie qui semble ne pas avoir bougé d’un poil se dresse sur notre route. Tout est impeccablement entretenu et la lumière perce les carreaux frêles des ateliers. Nous apprendrons pourtant plus tard que plus rien ne sort des cuves de la brasserie Vermeulen depuis quelques années. Elle qui était à l’origine de la gamme de bière « Ypra », à priori largement diffusée dans la région puisque de nombreuses enseignes subsistent sur les devantures des cafés.
Une fois arrivés chez De Fonderie, nous nous laissons tenter par deux bières du cru. Notez que la sélection locale est alléchante et fournie. Pour accompagner la Wheat Ale de Sint Bernardus et la Kveik IPA de Kanaal One, nous cédons aux charmes des croquettes de crevette grise revisitées et à la tendreté d’une pièce de Rouge Flamande (le bovidé, pas le style de bière – évidemment). Belle adresse bistronomique où nous avons été très chaleureusement accueillis.
Pour terminer la soirée, nous nous lançons à l’assaut des petites rues pavées, brumeuses et sombres ; ambiance à la Simenon garantie. L’objectif ? Trouver un bar à bières et caresser du doigt l’atmosphère des nuits Yproises. Sur les bons conseils d’amis biérologues, deux adresses retiennent nos attentions. Nous opterons finalement pour le Kaffee Bazaar, à priori une véritable institution dans la région. Situé à deux pas de la Grand Place, le lieu est cosy et la carte impressionnante. Plus de 300 références du monde entier. Déco chinée, accueil très chaleureux et connaissance des produits sont au rendez-vous. Un bien bel endroit pour terminer la journée.
Une ville au passé tourmenté…
La ville de Ypres a fait fortune dès le XIIe siècle en se spécialisant dans le textile, comme de nombreuses villes de Flandre telles Lille, Audenarde ou Roubaix. Les draps de laine enrichirent la cité jusqu’à la hisser parmi les villes les plus puissantes de Flandre aux côtés de ses voisines et concurrentes Bruges et Gand. Durant plusieurs siècles, la ville prospère. Elle fait construite la plus imposante halle aux draps du pays dès le XIIIe siècle et se pare un petit peu plus tard d’épais remparts pour contrer les désirs de conquête de tous ses voisins. En effet, la ville se situait au carrefour de toutes les frontières ; qui au fil des siècles n’ont cessé de bouger. Tantôt Espagnole, tantôt Flamande, tantôt Française, la ville ne connait finalement le calme et la paix que depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Mais les faits les plus marquants dans l’histoire de la ville se situent au XXe siècle. En effet, la ville fut le théâtre de quelques uns des plus violents affrontements de la première guerre mondiale. Pour preuve, en 1918 il ne reste pratiquement plus rien d’une ville rasée à plus de 95%. La ville offre un paysage lunaire et tout est à reconstruire. Le Commonwealth, qui a perdu plus de 250 000 hommes dans la région, finance en partie la reconstruction de la ville. Grace à Winston Churchill, alors ministre de la guerre, qui appuie la renaissance de la cité médiévale en s’exclamant ainsi en 1919 : « J’aimerais volontiers acquérir les ruines d’Ypres car il n’y a pour le peuple Britannique, pas de lieu plus saint au monde ».
… qui, telle un phœnix, renaît de ses cendres
Pour ne jamais oublier, la ville a reconstruit sa cathédrale, ses rues médiévales et sa halle aux draps dans laquelle elle a intégré « In Flanders Fields Museum« , le musée du souvenir de la Grande Guerre. Nous avons pu visiter cette impressionnante bâtisse et arpenter les allées de ce magnifique musée qu’il ne faut absolument pas louper lors de votre passage. Le musée retrace le contexte, présente les armées et surtout se focalise sur le déroulement de la guerre 14-18 dans la région. La scénographie proposée est riche et adaptée à tous les publics (comptez 2h30 de visite).
Pour terminer, ne ratez pas le tour de la ville via les remparts aménagés. Ils vous présentent Ypres à travers tous ses aspects : la Grande Guerre avec l’immense et bluffante porte de Menin, le passé textile de la ville avec toutes ses anciennes fabriques et sa majestueuse halle visible depuis partout ou encore son passé mouvementé dû à sa situation géographique particulière qu’il a fallu défendre par tous les moyens.
Les remparts dévoilent aussi un autre aspect important de la vie locale : la bière évidemment. Une brasserie répondant au nom de Kazematten est nichée à l’intérieur des remparts et propose des visites guidées tous les week-ends.