Il est de ces instants qu’on aimerait voir durer. Notre visite de la brasserie De Brabandere fait partie de ceux-là. Grand amateur de Petrus, la gamme porte-étendard de la maison, j’étais forcément conquis à l’idée de découvrir les coulisses. C’est Visit Flanders, l’office de promotion de la Flandre Belge, qui est à l’initiative de cette visite prévue dans le cadre d’un petit beer-trip organisé par leurs soins. L’objectif ? Que nous puissions découvrir les merveilleux atouts de cette région. Souvenez-vous, notre périple avait démarré à Audenarde. On vous embarque dans les chais ?
Une histoire de famille…
Comme souvent dans l’univers de la bière, la brasserie est une histoire de famille. Des hommes et des femmes qui génération après génération se passent le flambeau du savoir. C’est ce qu’on peut constater dans la totalité des grandes brasseries du Nord de la France mais surtout auprès de la plupart des grandes brasseries Flamandes. Pour n’en citer que quelques-unes, Roman, Omer, Verhaeghe et évidemment De Brabandere. Cette dernière, fondée en 1894 par Adolphe De Brabandere, en est à la cinquième génération et fait naturellement partie de l’association Belgian Family Brewers*.
…et de ferme-brasserie
Si l’histoire familiale est le marronnier des brasseries Belges, il en existe un autre. Celui de la ferme-brasserie. En effet, combien de brasseries historiques étaient auparavant des fermes qui brassaient de la bière ? Citons Dupont, Silly, Saint-Feuillien ou encore Dubuisson. Tiens, tiens… là aussi des brasseries familiales.

On doit à ces racines agricoles de nombreux styles, comme la Saison ou la Oud Bruin. De Brabandere ne transgresse pas à la règle. Elle était à son commencement une petite ferme flamande dans laquelle on produisait des bières brunes caractéristiques de la région. Mais le sens des affaires de Jozef, le fils du fondateur de la brasserie, va propulser l’affaire familiale dans une toute autre dimension jusqu’à ce que la première guerre mondiale mette une halte à cet essor.
Une famille qui a le sens des affaires
C’est en 1929 que Jozef décède brutalement laissant derrière lui une veuve et plusieurs enfants. Ces derniers, tous mineurs, ne peuvent reprendre l’affaire familiale. C’est l’épouse de Jozef qui passe aux manettes et fait fructifier l’affaire en traversant avec brio les affres de la seconde guerre mondiale. En 1950, c’est au tour de la troisième génération de reprendre les rennes. Albert va, lui aussi, faire passer un nouveau cap à la brasserie De Brabandere en commençant à exporter les brassins dans d’autres pays. Ignace, en 1975, prend le virage des débitants et propose ses produits au tirage partout en Belgique. Chacun à leur manière, les De Brabandere auront contribué au développement de cette brasserie considérée comme l’une des meilleures du plat pays.
Et aujourd’hui ?
Depuis l’arrivée d’Albert en 2013, la 5e génération, la brasserie a pris le virage de la modernité tout en conservant ses traditions, sans jamais se détourner du style emblématique des Oud Bruin qui a pourtant subi quelques décennies compliquées. C’est par une matinée d’octobre particulièrement fraîche et ensoleillée que nous arrivons face à l’imposante brasserie basée en périphérie de Courtrai. Hans nous attend sur le perron, prêt à nous dévoiler les coulisses de cette institution. D’un pas décidé, il nous mène directement dans l’immense salle des foudres. Impossible de rester de marbre face à tant de beauté et d’histoire. Ces immenses colosses de bois s’élancent sur plus de 5 mètres de haut. A l’intérieur on peut se délecter des odeurs enivrantes des styles aigres flamands. A cheval entre le vinaigre balsamique et le bois mouillé, cette odeur fait partie prenante de l’expérience.
Une brasserie qui a su conserver son âme
Ce que j’affectionne particulièrement lorsque je me rends dans une brasserie, c’est effleurer son histoire, me projeter en arrière à la place des ouvriers. Imaginer tout ce petit monde qui s’affaire. La brasserie De Brabandere est le lieu parfait pour ça, car elle a conservé le cadre qui était le sien il y a un siècle tout en prenant soin, paradoxalement, de rendre le tout très contemporain. Tout est bien rangé, tout est minutieusement pensé, on pourrait s’imaginer au beau milieu d’un décor de cinéma. Hans nous invite à parcourir la salle de brassage. Même constat. Les cuves en cuivre scintillent.
Rouge des Flandres et Vieille brune
Cette visite nous permet d’en apprendre davantage sur les styles endémiques proposés par la brasserie. Car ici, nous sommes dans le berceau des Oud Bruin et des Red Flanders. Ces styles acidulés résultent de malt touraillés (torréfié à la manière du café) introduit durant l’empâtage pour obtenir une bière brune. Brune que l’on coupera par la suite avec une bière plus jeune et que l’on fera vieillir, ou non, en foudre de chêne et macérer, ou non, avec des cerises. Ces bières plutôt dans la moyenne en matière de puissance, soit autour de 6%, délivrent de puissantes notes de madérisation, de cerise noire, de bois et de vinaigre. Des notes gustatives que l’on s’empresse de retrouver lors de la dégustation proposée par notre hôte.
Visiter la brasserie
J’imagine qu’avec ces passages dithyrambiques vous n’avez désormais qu’une envie : pousser les portes chargées d’histoire de la brasserie. Eh c’est bien normal. Pas d’inquiétude, vous pouvez vous aussi visiter et vivre l’expérience De Brabandere. La seule condition, être au moins 15 ou prêt à régler la somme forfaitaire de 180 €. Pour pousser l’aventure jusqu’au bout, car oui c’est une véritable aventure, je vous invite à opter pour la formule qui vous permet de créer votre propre assemblage de Petrus. Les visites sont possibles toute la semaine en Français sur rendez-vous. Plus d’infos ici.
*Belgian Family Brewers, qu’est-ce que c’est ?
Il s’agit d’une association de brasseurs belges représentant 21 brasseries familiales ayant plus de 50 ans d’existence. Ensemble, les membres pèsent 3500 ans d’histoire et proposent 165 bières différentes. L’objectif de cette association sans but lucratif est de proposer un label synonyme de qualité et de respect de la tradition Belge. Trois conditions pour être admis au sein de l’organisation :
- Être une brasserie belge approuvée par les membres.
- Proposer des bières produites par une brasserie familiale et indépendante depuis au moins 50 ans.
- Brasser des bières originales, pas des copies.