Si l’histoire de la bière remonte très vraisemblablement à l’invention de l’agriculture, nous vous racontons ici l’histoire de la bière de Flandre, qui commence au Moyen-Age…
L’histoire de la Flandre est intimement liée à l’histoire de la bière. Longtemps centrée sur l’agriculture, la région est naturellement devenue le fief d’un autre type de production : la production brassicole. Après le lin, qui a longtemps fait la richesse des environs, c’est la culture de l’orge qui en a fait la réputation internationale. Réunis sous la bannière de Saint Arnould ou de Gambrinus, les brasseurs flamands, qu’ils soient français, belges ou bataves, jouissent d’une grande réputation. Cette réputation est liée à un grand savoir-faire particulier, mais aussi à une agriculture florissante et à une histoire brassicole riche. C’est cette histoire-là que nous allons tâcher de raconter.
Une histoire médiévale
Comme évoqué précédemment, pour survoler l’histoire de la bière en Flandre, il faut remonter au Moyen-Age. A cette époque, la cervoise, sorte de mélange d’eau et d’orge, a été introduit dans la Gaule par les Grecs. On la brasse principalement dans les régions du Nord où la vigne pousse difficilement. On y ajoute des céréales ou des épices pour lui donner du goût. La production s’installe notamment dans les abbayes et les monastères. Sous Charlemagne, la confection de la cervoise se professionnalise et on décide de porter un intérêt particulier au choix des céréales et des épices utilisées.
C’est alors que l’on va découvrir l’intérêt du houblon, la « vigne du Nord », qui donne une amertume si caractéristique à la boisson. Son utilisation se démocratise peu à peu et on commence à parler de bière plus que de cervoise. Les moines étant nombreux dans la Flandre, du fait de sa grande prospérité, les premières corporations de brasseurs se forment dès le XIIIe siècle. Cependant, le brassage reste un privilège, et il faut payer pour avoir le droit de brasser. Ces taxes vont naturellement limiter l’essor de la production brassicole, qui se maintient longtemps. Il faut attendre la Révolution française pour que la taxe soit révoquée.
Révolution industrielle et brassicole
Après la Révolution française et la révolution industrielle, l’activité brassicole peut enfin se développer plus largement. Toutes les innovations techniques du XIXe siècle vont permettre à cette branche de se développer plus facilement et de rentrer dans un véritable âge d’or. La recherche sur la pasteurisation et les levures de bière permet de mieux maîtriser les processus. Le développement du froid industriel permet de conserver une qualité égale toute l’année et de créer la technique de fermentation basse. La mécanisation permet d’accélérer les processus de fabrication.
Toutes ces avancées couplées à la croissance démographique font augmenter la demande de bière et sa production. Tout cela fait qu’à la fin du siècle, on compte près de 2000 brasseries dans la région Nord-Pas-de-Calais. Chaque village a son brasseur, qui en est un acteur central. Certains villages en comptent même plusieurs. Les grandes villes sont surchargées de brasseries. Même l’hôpital psychiatrique d’Armentières a sa brasserie.
Des brasseries partout, de toutes tailles
Si les brasseries sont très nombreuses, elles sont aussi toutes très différentes. Certaines brasseries restent très artisanales et très petites, elles ne comptent que quelques salariés. Les brasseries sont assez souvent familiales, et se transmettent de génération en génération. Elles sont parfois rattachées directement à la maison familiale. Certains brasseurs se lancent seuls. C’est notamment le cas de nombreux agriculteurs, qui ouvrent une brasserie sur leur exploitation. En développant une activité parallèle, ces fermiers augmentent leurs revenus et créent un cercle vertueux : l’orge cultivée devient du malt puis de la bière ; les résidus de moût après brassage nourrissent les animaux ; les animaux nourrissent les champs d’orge.
D’un autre côté, de très grandes brasseries apparaissent. Quoi de plus normal à l’ère de l’industrialisation et de l’essor de la grande entreprise ? Grâce aux processus d’industrialisation, il est possible pour les brasseries d’automatiser les processus et de produire à grande échelle. Des brasseries d’une taille jamais vue auparavant naissent. Pour faire face à ces mastodontes, les plus petites brasseries diversifient leur activité. Certains se lancent dans la production de limonade, d’autres dans le vin ou encore la chicorée. Cette diversification est un moyen pour les brasseurs d’augmenter leurs revenus.
Des bières et des cafés
Comment mentionner l’avènement de l’âge d’or de la bière sans parler des cafés ? En effet, si le XIXe est le siècle de la bière, il est aussi le siècle des cafés. Des cafés pullulent de partout dans les villes et les villages. Le passage au café est pour tous un moment important de la journée. Ainsi, les brasseurs font une bonne affaire : ils investissent dans des cafés. En achetant des cafés, les brasseries trouvent un moyen d’écouler leurs stocks de bière. Les propriétaires obligent les patrons de cafés et d’estaminets à commercialiser leur propre marque de bière et pas les autres. Les quelques cafés qui ne sont pas propriété de brasseurs ont le choix de leurs fournisseurs. La concurrence entre brasseries est très rude à cette époque. C’est au même moment qu’apparaît la publicité, qui passe notamment par les « sous-bock » à l’effigie des brasseries.
Avec le développement du service de la bière dans les cafés se pose le problème de la livraison. Au début, la livraison est relativement lente et difficile. Des « galères » parcourent le territoire mais vont rarement à plus de 10 kilomètres de la brasserie. Cependant, les transports se développent avec le temps. Durant le XXe siècle, les moteurs font leur apparition et les camionnettes permettent de transporter plus facilement les fûts de bière. Certaines brasseries avaient déjà atteint Paris, mais désormais, elles peuvent toutes le faire. Le monde brassicole semble promis à un avenir radieux.
A l’épreuve de la guerre…
Alors que la production brassicole a le vent en poupe, la guerre vient y mettre un coup d’arrêt. Dans l’effort de guerre, l’orge est principalement utilisée pour l’alimentation. La bière passe au second plan et sa production ralentit. D’un autre côté, de nombreuses brasseries sont détruites ou pillées. La production brassicole est largement réduite au sortir de la guerre. Malgré les dommages de guerre, une grande partie des brasseries ne rouvre pas. L’heure est à la concentration. Seules les plus grandes brasseries et les coopératives peuvent investir et se moderniser.
Si la Première Guerre Mondiale a été une dure épreuve pour les brasseurs, la Seconde en est une pire. Alors que la reprise était déjà difficile, la guerre vient remettre un coup de massue sur les brasseurs. Productions à l’arrêt, brasseries détruites, le cauchemar recommence. Après la guerre, les brasseries sont encore moins nombreuses.
Les Trente Glorieuses contre la bière
La production brassicole est affaiblie, la bière est de mauvaise qualité. Dans le même temps, les habitudes de consommation changent. Les gens se tournent plus vers le vin et délaissent la bière. Les années 60 sont l’apogée de ce virage. La bière est supprimée des écoles, sa standardisation dégoûte, de nouvelles boissons apparaissent. Le destin de la bière semble gravé dans le marbre. Seuls quelques grands groupes résistent, la bière artisanale a pratiquement disparu. En Flandre, il ne reste que 6 brasseries en 1975.
Si tout semblait perdu pour la filière brassicole à la fin du XXe siècle, on note un regain de la brasserie artisanale depuis quelques années. La bière a de nouveau le vent en poupe. La consommation est en augmentation en France, bien que nous nous placions à la 26ème place des 28 pays des l’Union Européenne. D’ailleurs, la consommation dans les Hauts de France est proche du double de la moyenne nationale, ce qui rapproche la région de la consommation belge. D’un autre côté, la France est le 8ème pays producteur de bière en Europe et le premier exportateur de malt au monde. Il semble finalement que la filière brassicole ait encore de beaux jours devant elle, en France et en Flandre particulièrement.
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