“Je suis Aurélie, j’ai 39 ans et je suis une pure Parisienne (enfin presque). Mais le Nord m’a adopté il y a une quinzaine d’années et cette région a su me séduire. Auparavant j’étais attachée de presse ; mais tout ça c’était avant de découvrir la bière et ses plaisirs. Prise de passion, j’ai décidé avec plusieurs amis de créer L’Echappée Bière en 2013. Côté perso j’ai deux petits bouts de choux et j’adore la culture au sens large : arts vivants, littérature…”
Francilienne d’origine mais Nordiste de cœur
Je suis originaire de la région parisienne, ce qui me vaut de constants quolibets depuis que j’ai posé mes valises à Lille, il y a 8 ans. Totalement amoureuse de la région (et de ses bières), j’ai appris à en découvrir ses recoins avec ma petite famille et mes amis. Je vous emmène aujourd’hui à la découverte des Flandres, un territoire résolument authentique avec une culture affirmée où la bière occupe une place de choix.
La Flandre, cette partie méconnue du Nord
Petite notion de géographie et d’histoire pour commencer ! La Flandre est en effet un territoire assez abstrait pour les non-nordistes. Et pour cause : il s’agit d’un territoire transfrontalier qui s’étend à cheval entre France et Belgique mais aussi sur une petite partie des Pays-Bas. Une histoire et une culture commune forment entre elles un trait d’union toujours bien perceptible aujourd’hui : avec sa langue – le flamand – ou sa culture identitaire regroupant par ex les estaminets, les carnavals avec leurs géants, son architecture colorée ou encore la production du houblon. Pour parler un peu plus concrètement, les Flandres françaises correspondent au territoire situé autour de Lille et Dunkerque. Pour la Belgique, il s’agit d’un territoire administratif et politique : la région flamande, où l’on parle le néerlandais. Parmi ses villes les plus connues : Bruges et Gand.
“Aujourd’hui, je vous emmène à la découverte de mon TOP 5 des lieux bière en Flandre. Prêt à naviguer entre France et Belgique ?”
1. Votre bière du champ à la cuve et jusqu’au verre

On démarre avec un lieu que j’adore et qui – depuis plusieurs années – joue le rôle de remède contre les mornes dimanches : la ferme-brasserie Beck. Mon truc à moi ? Rendez-vous sur place pour y garer votre voiture. Là, entamez une balade à pied ou à vélo dans la campagne environnante. Plusieurs itinéraires sont possibles et sont aisément praticables avec une poussette ou un vélo d’enfant (attention, parfois, ça grimpe ! C’est pas le Mont Ventoux mais quand même).
Après votre boucle pédestre, profitez des lieux ! L’été, les chevaux paissent tranquillement dans le champ qui fait face à la brasserie et les houblonnières sont en fleur. Hautes et massives, elles sont une invitation à une ultime déambulation. Allez vous perdre au milieu des perches en bois autour desquelles croit le houblon. Vous le savez certainement mais cette plante grimpante est une composante essentielle de la bière. Elle lui apporte son amertume mais aussi des arômes bien spécifiques : floraux, résineux, fruités, d’agrumes… Comme son nom l’indique, la Ferme-Brasserie Beck produit elle-même ses matières premières nécessaires à la fabrication de bière : l’orge, bien-sûr, mais aussi le houblon donc. Elle produit une bière sur place et possède également un estaminet.
Pause à l’estaminet
Personnellement, c’est toujours avec le même rituel que je ponctue mes balades locales : assise en famille, en dégustant la fameuse Hommelpap avec un potjevleesch (prononcez Potcheuvèlche) et des frites. Rarement j’ai bu bière aussi savoureuse ! En terme de circuit court, on peut difficilement faire mieux puisque la pompe est directement reliée à la cuve de la brasserie. Et pour ce qui est de l’Estaminet, les plats sont simples, bons et réconfortants. On y côtoie des habitués ou des gens de passage et – très vite – vous finirez par parler à vos voisins. Attention, si vous n’êtes pas du Nord il y a un truc à savoir sur les estaminets : ils ne sont ouverts que les week-end, généralement les samedis et dimanches.
A noter également qu’il y a des gîtes sur place. Et notamment de grands gites. Si vous avez une famille nombreuse ou une tripotée de copains, ce ne sera pas un souci !
2. Le terroir des Flandres sublimé !
L’autre étape que je recommande est l’Auberge du Vert Mont, tenue par le chef Florent Ladeyn. Son passage très remarqué dans l’émission Top Chef l’a rendu célèbre au-delà des frontières lilloises. Mais ce n’est pas pour sa notoriété que je vous invite à réserver une table. Non, c’est pour l’expérience magique que vous vivrez sur place. Manger au Vert Mont, c’est voyager totalement dans la culture flamande. Florent Ladeyn vous en fera découvrir toutes les subtilités gastronomiques. L’Auberge est sublime, faite de matières brutes et chaleureuses. J’ai eu la chance de dîner face à une baie offrant une vue magnifique sur les monts des flandres. Je vous recommande d’ailleurs d’arriver sur place de jour pour profiter des lumières changeantes, du coucher de soleil puis de l’ambiance tamisée du soir.
Pause déjeuner
Première curiosité, et non des moindres : la carte des boissons propose autant de bière que de vin. Vous êtes amateurs de mousse ? Florent aussi ! Et croyez-moi, la carte regorge de pépites, certaines brassées par le chef lui-même. Le sommelier est tout autant biérologue qu’œnologue et vous conseillera avec une grande justesse. Même si vous n’aimez pas la bière plus que ça, c’est vraiment le moment de tenter l’expérience et de lui faire confiance. D’ailleurs, si vous optez pour la formule « Les yeux fermés », vous n’aurez pas le choix (vous savez, cette formule avec laquelle vous vous faites vraiment plaisir ! Vous précisez simplement ce que vous n’aimez pas ou ce à quoi vous êtes allergique et vous vous laissez guider par le chef) ! Chaque plat mystère est accordé, tantôt avec une bière tantôt avec un vin.
Du côté de l’assiette, c’est tout simplement incroyable. Une véritable explosion de saveurs pour les papilles. Florent revendique une cuisine ultra locale et brute. L’assaisonnement ne sera jamais à base de poivre par exemple. Bah non, le poivre on ne le trouve pas en Flandres ! Son tour de force, c’est de trouver des alternatives avec des produits locaux parfois directement cueillis dans la campagne environnante. Les plats sont délicieux, audacieux, d’une grande subtilité et réalisés avec une philosophie fichtrement noble : chou-fleur laqué, homard, frites au Maroilles (quand même !)… Et pour ne rien gâcher, l’équipe est ultra accueillante. Croyez-moi, votre passage au Vert-Mont sera mémorable.
Ps : pensez à réserver bien en avance, hein !
3. Boire une bière dans un village flamand authentique
Pour ça : rendez-vous à Cassel. Ce charmant village se situe sur un promontoire et offre un magnifique panorama sur les pâturages et la campagne alentours. Mais s’offrir une si belle vue se mérite ! Chaussez vos baskets et démarrez votre ascension depuis la Grand Place vers l’ancien moulin à vent qui la surplombe. Véritable symbole de la ville, il fait partie d’un patrimoine aujourd’hui disparu. Car la ville a compté jusque 20 moulins à vent en 1900 ! Allez désormais vous perdre dans les petites rues pavées et escarpées du village. A chaque coin ou presque vous apercevrez le blason d’or au lion noir de l’ancien comté de Flandres. Tout ici respire la Flandre, jusque dans l’odeur de la bière et des frites que vous pourrez déguster sur la Grand Place.
Découvrez la culture locale
Rien de tel que de jouer aux historiens une bière à la main, n’est-ce pas ? Jetez votre dévolu sur l’un des cafés de la place et optez pour une bière belge : une saison Dupont par exemple, si la grimpette vous a donné chaud. Une trappiste pour contrer le froid mordant de l’hiver. Guide dans une main et bière dans l’autre, plongez vous dans l’histoire de la ville en contemplant les bâtiments qui bordent la place : anciennes portes et fortifications du Moyen-Âge, Maisons d’époque Louis XIV ou encore l’Hôtel de la Noble Cour et son architecture du 17ème.
Cassel compte de nombreuses manifestations populaires parmi lesquelles son célèbre Carnaval qui a lieu chaque lundi de Pâques. L’occasion de croiser les géants Reuze Maman et Reuze Papa, et de les accompagner dans une déambulation festive. Les gens du Nord ont le sens de la fête. Ambiance et bonne humeur garanties ! D’ailleurs, la journée est classée au patrimoine immatériel de l’UNESCO. Soyez vigilants, Cassel est prisée des touristes et l’affluence peut y être importante. Les français ne s’y sont pas trompés qui l’ont élu village préféré en 2018.
4. De la bière en foudre de chêne
Direction la Flandre Occidentale et l’une de ses plus incroyables brasseries : Rodenbach. Si pour vous, bière rime avec cuve en métal, amertume et mousse abondante, vous allez avoir l’une des plus belles surprises de votre vie. Bienvenue dans le royaume de la fermentation mixte ! Ici, on brasse depuis le 17ème siècle même si la brasserie tire son nom de la famille éponyme devenue propriétaire des lieux en 1820. Ces dernières décennies, les groupes Palm puis Bavaria ont racheté la brasserie mais cette dernière continue à brasser selon un processus traditionnel et ancien donnant naissance à un style de bière très particulier : les bières rouges brun des Flandres. Leur caractéristique ? Peu alcoolisée, ces bières ont un goût aigre-doux qui surprend les non-avertis et ravit les connaisseurs.
Les foudres des bières rouges
Le processus de brassage est fascinant. Le début du process est quasi identique à celui d’une brasserie classique. La petite différence, c’est qu’on va essentiellement utiliser le houblon pour ses propriétés conservatrices et non pour ses arômes et son amertume. Dans les bières rouges, point d’amertume. C’est l’acidité qui l’emporte ! C’est au moment de la fermentation que les choses diffèrent véritablement : le produit final est obtenu grâce au mélange d’une bière jeune (plus sucrée) – résultant d’une fermentation haute – et d’une bière (plus acide) qui aura vieillie 2 ans en foudre de chêne – résultant d’une fermentation spontanée. Le processus de maturation prolongé en fûts de chêne donne un goût complexe à la bière.
Personnellement, j’en suis très amatrice et j’ai converti bon nombre d’amis à la fermentation mixte. Je ne rentre pas ici dans le détail – passionnant – de la fabrication de ces bières. Le mieux est d’aller sur place et de réaliser une visite guidée au milieu des 300 foudres de chêne. A l’issue de votre balade, vous dégusterez une Rodenbach et une Grand Cru. Cette dernière est restée plus longtemps dans les foudres de chêne. Le résultat ? Une bière complexe caractérisée par une bonne part de bois et d’esters, vineuse, à la fin de bouche très longue, à l’instar d’un grand cru viticole.
5. La révolution de la craft en France
Achevons ce top 5 avec une autre brasserie incontournable. Située en France, dans le petit village d’Esquelbecq, la Brasserie Thiriez est un modèle qui inspire de nombreuses artisanales françaises. Daniel et sa fille Clara produisent des bières d’une qualité inouïe. Un exemple de leur créativité ? A l’occasion des 25 ans de la brasserie (déjà !), chacun de ses membres a créé une recette originale et éphémère. Huit bières réalisées avec des ingrédients quali et dinguo type algues nori, concombre, jasmin, clémentine corse, canneberges, thé earl grey… Mais attention, si la brasserie est capable d’originalité, elle maîtrise ses classiques et ne les abandonne pas.
Bière et balade en Flandre
Partez à la rencontre d’une famille fière de ses racines flamandes, indépendante et qui fait rayonner la bière des hauts-de-France bien au-delà de la région. Evidemment, vous pourrez déguster les bières locales dans un espace type estaminet. Objets anciens, poutres en bois et guirlandes de houblons formeront le décor de cette découverte gustative.
Le petit truc bien chouette, c’est de faire une journée qui combine visite de la brasserie et balade familiale à dos d’âne. Au choix, vous pouvez y aller accompagnés (ou non) d’un guide. Attention, seuls les enfants sont autorisés à monter à dos d’âne. Le point de départ n’est pas celui de la brasserie mais c’est tout comme… Vous êtes à 1min en voiture.
“La Flandre est une destination avec une identité très marquée, à l’histoire passionnante. C’est aussi un véritable écrin de verdure, qu’il fait bon arpenter en y calant habilement des arrêts-dégustations dans des cafés et estaminets chaleureux. ”
Il faut goûter ! La petite princesse
Pour moi la bière a ça de clairement avantageux sur les autres boissons : on peut en boire beaucoup ! Et encore davantage lorsque celle-ci ne titre qu’à 2,9 %. C’est, en partie, ce qui me plaît dans le petit monde fermé de ce qu’on appelle les “bières de table”. C’est un style (si on peut l’appeler ainsi) qui était très répandu autrefois dans le Nord de la France. Une boissons très faiblement alcoolisée, que l’on servait même à la cantine aux enfants. Cette petite bière titrant entre 1 et 3% d’alcool remplaçait bien souvent l’eau dans les chaumières. Cette petite pépite de la brasserie Thiriez en collaboration avec une brasserie Texanne répondant au nom de “Jester King” est idéale pour arroser vos barbecues estivaux et vous rafraîchir après une belle balade à vélo.