C’est parti pour la découverte de la brasserie du Pays Flamand
Moi c’est Marie, je suis une professionnelle du Tourisme et j’adore la bière. Normal pour une native du Pas-de-Calais non ?
Nous sommes le 5 novembre, il est 9h30 du matin. La matinée est fraîche, l’humeur est au beau fixe et je m’apprête à boucler ma ceinture pour me rendre à la brasserie du Pays Flamand, parfois plus connue sous le nom “Anosteke”, qui signifie « A la prochaine » en Flamand. A bord de ma Polo, je sillonne les routes de la campagne flamande – parfois bien étroites . Je traverse les paysages très légèrement vallonnés (les audacieux appellent ça la cordillère des Flandres) et ses vastes étendues de végétation qui me rappellent à quel point il fait bon vivre à la campagne. Le soleil matinal, particulièrement éblouissant, me rend parfois la tâche difficile : mais rassurez vous, je n’ai causé aucun accident.
Sur la route je reconnais certains villages familiers aux allures de carte postale, quand tout à coup je passe le panneau “Blaringhem”. Me voilà heureuse de me savoir bientôt arrivée, voilà deux semaines que j’attends ce moment. Bon, je vous avoue m’être un peu perdue entre temps. La brasserie est, il faut l’avouer, pas très bien indiquée. Encore plus pour les réfractaires à Waze ou Maps et autre plateforme GPSisante. Mais il en faut plus pour me décourager : c’est sur mon culot légendaire que je mise. Carreau baissé, je demande à deux villageois déchargeant un camion si j’étais bien au bon endroit pour ma visite. Bingo ! Me voilà à quelques encablures de l’arrivée. Je suis enfin arrivée dans la brasserie qui produit la meilleure bière blonde 2021 au monde. Eh oui, ce n’est pas une blague! Mais patience…
Enfin arrivée…

Une fois dans la boutique de la brasserie, là où le rendez-vous est donné, je rejoins Théo pour la visite. Sur place je découvre les étalages qui habillent l’espace ouvert au public. Sur ceux-ci, différentes gammes de bières sont exposées. Tout pour faire rêver les tégestophiles puisque les verres et objets divers ne sont pas en reste. Pour couronner le tout, une partie épicerie fine agrémente la boutique et propose des jus mais aussi du café et produits de la ferme.
Etant la première arrivée, ça me laisse un peu de temps pour faire la connaissance de Théo, le guide qui assurera la visite. Jeune et dynamique, il dégage une sacrée joie de vivre. Il aime parler et blaguer : plutôt pratique pour se sentir de suite à l’aise.
Contenu de la visite
La visite démarre de la meilleure des manières. Une première bière de la maison nous est proposée. 11h du matin ? Ca réveille mais ça ne semble effrayer personne. En même temps : il faudrait être particulièrement intransigeant ou fébrile pour refuser de goûter la meilleure bière blonde du monde. La première gorgée ne laisse aucun doute : cette bière emblématique de la région est définitivement une madeleine de Proust pour moi. L’impression que je ne me lasserai jamais de la déguster…
Théo, notre pétillant guide, commence par raconter la courte mais déjà si longue histoire de la brasserie du Pays Flamand. En effet, l’aventure débute en 2006 pour Mathieu Lesenne, ancien banquier, et Olivier Duthoit, ingénieur en agroalimentaire. C’est une date bien récente dans l’histoire d’une vie, mais c’est en même temps déjà très, très loin pour le monde brassicole en pleine effervescence. Rappelons qu’en 2006 il n’y avait plus qu’une vingtaine de brasseries dans le département du Nord contre plus de cent seulement 15 ans plus tard. La brasserie du Pays Flamand est donc clairement ce que l’on peut appeler un jeune vieux faisant partie des pionniers du renouveau brassicole local et national entamé 10 ans avant par la brasserie Thiriez à deux pas de là.
L’ascension de la brasserie depuis la médaille de la meilleure bière du monde
Chaque année se tient à Londres les « World Beer Awards ». Mais qu’est-ce donc? Il s’agit d’un concours international qui récompense chaque année les meilleures bières du monde dans différentes catégories de styles. En tout cas les meilleures parmi celles qui se présentent et acceptent de payer les frais élevés pour participer : ce qui, avouons-le, peut représenter un frein pour beaucoup de brasseries plus modestes.
En tout cas, si la qualité du concours peut faire débat dans le milieu brassicole, force est de constater qu’il a un réel impact sur le regard du consommateur et donc sur les ventes. Illustration parfaite avec notre bière star du jour : l’Anosteke Belgian Pale Ale (plus couramment appelée « Blonde »). Depuis la consécration de cette référence, qui représente 50% de la vente de la boutique, la brasserie n’en finit plus de remplir son carnet de commande. Commandes passées jusqu’en Chine s’il vous plaît ! Bien que 80% des ventes soient locales, on peut penser que cette part dédiée à l’exportation ne fera qu’augmenter, au moins dans les prochains mois, voire années à venir. Autre donnée chiffrée : les commandes concernant cette référence ont été multipliées par trois depuis la consécration. Preuve s’il en fallait une, qu’une médaille c’est bon pour les affaires.
D’ailleurs, d’où provient ce nom ?
En effet, pour toute personne extérieure à la région, c’est une question légitime. D’autant plus depuis que l’on peut retrouver cet excellent breuvage sur toutes les étals de France et de Navarre. Alors, d’où vient le nom “Anosteké” ? Pour ceux n’ayant pas sauté de ligne vous avez déjà, en principe, un premier élément de réponse. Anosteké est en réalité la contraction ou plutôt la traduction phonétique de “Tot anoste keer” : une expression flamande encore largement utilisée par les anciens qui signifie “A bientôt !” ou “A la prochaine fois !”. Pas étonnant pour cette brasserie qui se revendique comme flamande et attachée à ses racines. Racines qui ont pour piliers la convivialité et la chaleur humaine ! Ce n’est pas pour rien que dans la boutique de la brasserie il est vendu plus de bouteilles en 75cl que de bouteilles en 33cl. Le Nord c’est avant tout cette notion de partage.
Revenons à la visite…
Au cours de la visite, Théo nous explique les différents types de bière qui sont brassés pour certains ici et pour d’autres dans une brasserie Pays Flamand plus grande, cette fois à Merville. La visite est détendue et particulièrement bon enfant. Plus facile lorsque Théo n’hésite pas à user de son humour pour faire rigoler son auditoire. Il nous avouera un peu plus tard être rentré la veille à une heure bien tardive et nous dévoilera son secret pour apparaître aussi frais quelques heures plus tard. La recette miracle ? “combattre le mal par le malt”. Une référence apparemment connue du monde des brasseurs que je tâcherais de ne pas oublier.
Nous poursuivons cette immersion dans l’univers de la brasserie par un passage obligatoire dans la salle dédiée à la fabrication. C’est au milieu de ces différentes cuves, ces systèmes de filtration et embouteilleuses que Théo se fait une joie d’expliquer le processus de brassage. Petit conseil amical au passage : ne prévoyez pas de talons ou de chaussures blanches lorsque vous visitez une brasserie. Vous risqueriez ensuite de passer une partie de votre week-end à rattraper le coup.
Dans cette pièce blanche habillée de tuyaux divers et d’inox rutilant vous serez assurément en pleine immersion. En effet, les brasseurs qui travaillent devant vos yeux, ajoutent un supplément d’âme à la visite. Immersion sonore garantie.
De la bière mais pas que…
La visite s’achève dans un endroit insolite voire carrément insoupçonnable! Une pièce entière, remplie de tonneaux ayant contenu du vin ou des spiritueux. Sauf que cette fois, c’est de la bière que l’on retrouve dedans. J’avoue que ce fût (excusez pour le jeu de mot) une première pour moi. Pour la petite histoire, les bières fermentent en moyenne 18 mois dans ces barriques. Parmi ces joyaux on retrouve de grands crus comme ceux de Bourgogne et des spiritueux de prestige : bourbons, scotchs ou encore cognacs.
Lors de la dégustation dans cette salle, qui me rappelait clairement une autre effectuée plus tôt dans un vignoble, j’ai pu goûter une bière vieillie en fût de chêne. Cette bière est tirée de la gamme « Wilde Leeuw » qui veut dire lion sauvage en flamand. Avec 12% au compteur je peux vous assurer que le froid matinal n’est plus un souci. Première impression gustative ? Après la première rencontre avec mes lèvres le constat est évident : je sens étonnamment plus le vin que la bière. C’est assez impressionnant, et ça me conforte dans l’idée que cette brasserie n’est décidément pas comme les autres. Si des réfractaires à la bière me lisent : sautez le pas. J’ai l’assurance que cette bière spéciale pourrait vous faire changer de regard. Bien évidemment, c’est à consommer avec modération.
Une dernière dégustation vient ponctuer cette matinée bien agréable. Une dégustation qui permet de comparer la différence de goût entre le breuvage vieilli en barrique et celui finalement obtenu en bouteille. La différence est flagrante, on ne ressent pas du tout les mêmes flaveurs.
Petite info supplémentaire
Sur place, il est possible de se restaurer dans l’estaminet attenant à la brasserie où de nombreux plats traditionnels du Nord sont concoctés avec soin pour vous faire saliver de plaisir. Aux manettes ? L’ancienne figure emblématique de Top Chef Florent Ladeyn.
Pour les locaux qui pensaient que la brasserie était localisée à Merville, c’est en partie vrai. La brasserie Pays Flamand possède deux sites bien distincts. C’est à Blaringhem que les visites se font. Celles-ci sont réservables sur le site internet juste ici. Cependant, dès mars 2022, la brasserie de Merville devrait pouvoir à son tour recevoir du public grâce à un bar où il sera possible de manger et boire, voire davantage.
Pour quel public ?
Idéal pour les couples et les groupes d’amis. Le moment est convivial, chaleureux et interactif. Pas adapté aux poussettes ni aux animaux (c’est avant tout un lieu de production alimentaire).
Ce que j’ai particulièrement apprécié :
- Le ton jeune et dynamique de Théo, proche des visiteurs et sympathique.
- La variété de la visite qui ne se limite pas au processus de brassage de la bière.
- La visite du chai et la dégustation des cuvées spéciales.
- L’historique de chaque gamme de bière expliqué sous forme de frise chronologique.
- La durée idéale d’environ 1h.
De passage à Blaringhem :
- Je vous conseille de combiner votre visite avec un passage par la charmante ville de Saint-Omer. Vous y trouverez un grand nombre d’estaminets et de petits commerces autour de l’ancien hôtel-de-ville, aujourd’hui rebaptisé en théâtre.
- Le marais Audomarois de Clairmarais pour une balade bucolique en barque au cœur du dernier marais maraîcher cultivé de France.
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